Personnages du Coran et de la Bible

Isaac

Parmi les grands personnages de la Bible et du Coran, le nom d’Isaac (ou d’Ishâq, chez les Arabes) est certainement bien connu. Mais le plus souvent, ce nom figure simplement dans une expression comme « le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob ». On sait qu’Isaac est associé à ces deux autres hommes plus célèbres, mais que savez-vous d’Isaac lui-même, en plus du fait qu’il était le fils d’Abraham et le père de Jacob ? Vous savez probablement qu’il est né, suite à une promesse de Dieu, quand son père Abraham et sa mère, Sara, étaient tous les deux avancés en âge. Mais qu’est-ce qu’il a fait de bien ou de mal pendant sa vie ? Pourriez-vous décrire son caractère, sa façon d’agir ou de réagir ?

Soumis à Dieu et à son père

Le premier récit biblique qui nous révèle quelque chose du caractère d’Isaac se trouve en Genèse 22, et c’est probablement l’événement de sa vie qui est le mieux connu. Nous en avons déjà parlé en rapport avec Abraham, et encore en rapport avec Ismaël. Il s’agit du jour où Dieu dit à Abraham de lui offrir son fils en holocauste. Selon la Bible,

« Quand Isaac eut grandi, Dieu mit Abraham à l’épreuve. Il l’appela et Abraham répondit : Oui, je t’écoute. Dieu reprit : Prends ton fils Isaac, ton fils unique que tu aimes tant, va dans le pays de Moria, sur une montagne que je t’indiquerai, et là offre-le-moi en sacrifice. Le lendemain Abraham se leva tôt. Il fendit le bois pour le sacrifice, équipa son âne et se mit en route vers le lieu indiqué. Il emmenait avec lui deux serviteurs, ainsi que son fils Isaac. Le surlendemain il aperçut de loin la montagne où il allait. Il dit alors aux deux serviteurs : Restez ici avec l’âne. Moi et le jeune homme, nous irons là-haut pour adorer Dieu, puis nous reviendrons ici. Abraham chargea sur son fils Isaac le bois du sacrifice. Lui-même portait des braises pour le feu et un couteau. Tandis qu’ils marchaient tous deux ensemble, Isaac s’adressa à son père, Abraham. Celui-ci lui répondit : Oui, je t’écoute, mon fils. Nous avons le feu et le bois, dit Isaac, mais où est l’agneau pour le sacrifice ? Abraham répondit : Mon fils, Dieu veillera lui-même à procurer l’agneau. Ils continuèrent d’avancer ensemble. Quand ils arrivèrent au lieu que Dieu lui avait indiqué, Abraham construisit un autel et y déposa le bois. Il lia son fils Isaac et le plaça sur l’autel, par dessus le bois. Il saisit alors le couteau pour égorger son fils, mais l’ange du Seigneur l’appela du ciel : Abraham ! Abraham !… Épargne l’enfant, ne lui fais aucun mal. Je sais maintenant que tu crains Dieu, et que tu ne m’as pas refusé ton fils, ton unique. » (Genèse 22.1-12)

Nous avons déjà considéré ce récit du point de vue d’Abraham, mais il est utile de regarder de plus près ce fils qui faillit mourir. Certains pensent qu’il avait déjà entre 16 et 25 ans. La Bible ne mentionne pas son âge, mais nous voyons qu’il était assez grand pour porter le bois pour le sacrifice tout en montant les pentes d’une montagne où apparemment l’âne ne pouvait plus facilement aller. Il était sûrement assez fort et assez rapide pour ne pas se laisser attacher par un vieillard de bien plus de cents ans, c’est-à-dire par son père Abraham. Il devait comprendre que c’était lui, en fait, la victime qui serait offerte. Évidemment, ce jeune homme a accepté volontairement de se soumettre à son père, qui lui, cherchait à obéir à un commandement de Dieu. On voit donc dans l’exemple de ce jeune homme une foi et une soumission qui nous étonnent. C’est exactement ce qui ressort de la version coranique de cette histoire. Dans la Sourate 37 – Saffat, à partir du aya 100, Abraham dit : « Seigneur, fais-moi don d’une progéniture d’entre les personnes vertueuses. » Allah répond dans la première personne au pluriel :

« Nous lui fîmes donc la bonne annonce d’un garçon patient. Puis quand celui-ci fut en âge de l’accompagner, [Abraham] dit : Ô mon fils, je me vois en songe en train de t’immoler. Vois donc ce que tu en penses. Il répondit : Ô mon cher père, fais ce qui t’est commandé : tu me trouveras, s’il plaît à Allah, du nombre des endurants. Puis quand tous deux se furent soumis et qu’il l’eut jeté sur le front, voilà que Nous l’appelâmes, Abraham ! Tu as confirmé la vision. C’est ainsi que Nous récompensons les bienfaisants. C’était là certes, l’épreuve manifeste. Et Nous le rançonnâmes d’une immolation généreuse. Et Nous perpétuâmes son renom dans la postérité : Paix sur Abraham… Nous lui fîmes la bonne annonce d’Isaac comme prophète d’entre les gens vertueux. Et Nous le bénîmes ainsi que Isaac. »

Comme vous le voyez, le fils d’Abraham est aussi remarquable que son père dans cette histoire, tellement il est prêt à accepter la volonté du Créateur.

Nous avons déjà fait la remarque dans cette série d’études que, lorsque les musulmans observent la fête de Tabaski, ils commémorent le sacrifice, non pas d’Isaac, mais d’Ismaël. Mais avez-vous remarqué que le Coran ne précise pas le nom du jeune homme au début du récit ? Le nom d’Isaac n’apparaît qu’au verset 112 et on ne sait pas bien si c’est de lui qu’on parlait déjà au verset 101 ou bien s’il s’agissait alors du fils aîné Ismaël. Ce sont les successeurs de Mohamed qui dans leurs commentaires préciseront que le récit concernait Ismaël et introduiront même son nom dans certaines traductions. Il est vrai que la majorité des commentateurs actuels font d’Ismaël le fils à immoler, mais certains commentateurs musulmans d’autrefois parlaient plutôt d’Isaac.

Selon la Sourate 11 – Houd, Dieu avait promis la naissance de Jacob en même temps qu’il avait promis celle d’Isaac. On proteste parfois donc qu’il est inconcevable que Dieu ordonne l’immolation d’Isaac dont la postérité a déjà été annoncée. Mais selon Genèse 16.10 et 17.20, Dieu avait aussi annoncé d’avance la postérité d’Ismaël. Si l’on veut bien voir, ce n’est ni le Coran ni Mohamed qui contredisent la Bible sur ce point. Ce sont les successeurs de Mohamed qui ont apparemment donné une interprétation au texte coranique qui le met en conflit avec la Torah.

Mais poursuivons avec notre étude du patriarche Isaac.

Mari d’une seule femme

En Genèse 24 nous trouvons qu’après la mort de sa femme Sara, Abraham se souciait de trouver une épouse pour Isaac. Il ne voulait pas donner à son fils une femme païenne du pays de Canaan où il habitait. Il engagea donc le plus âgé de ses serviteurs à retourner vers ses parents en Haute Mésopotamie, l’Iraq actuel, afin de trouver une femme convenable pour son fils. Conduit par la main de Dieu, le serviteur a trouvé celle que Dieu avait apparemment destinée à Isaac : elle s’appelait Rebecca. Après un très long voyage, la caravane du serviteur d’Abraham revint avec la jeune femme. La Bible dit :

« Un soir qu’Isaac était sorti pour méditer dans les champs, il leva les yeux, et regarda ; et voici, des chameaux arrivaient. Rebecca leva aussi les yeux, vit Isaac, et descendit de son chameau. Elle dit au serviteur : Qui est cet homme, qui vient dans les champs à notre rencontre ? Et le serviteur répondit : C’est mon seigneur. Alors elle prit son voile, et se couvrit. Le serviteur raconta à Isaac toutes les choses qu’il avait faites. Isaac conduisit Rebecca dans la tente de Sara, sa mère ; il prit Rebecca, qui devint sa femme, et il l’aima. Ainsi fut consolé Isaac, après avoir perdu sa mère. » (Genèse 24.63-67)

Ce petit aperçu nous présente déjà Isaac comme un homme sensible, qui regrettait encore sa mère quatre ans après l’avoir perdue. Le texte nous présente un homme spirituel, qui trouve un temps pour être seul et pour méditer. Il nous présente aussi un homme qui serait un époux dévoué. Isaac aima Rebecca, et elle fut la seule femme qu’il aima pendant toute sa vie. Son père avait pour femmes Sara, Agar, et plus tard Ketura. Les fils d’Isaac auraient chacun quatre femmes. Mais Isaac a épousé une seule, et il lui est resté fidèle pendant toute sa vie – et cela malgré le fait que Rebecca était stérile pendant les vingt premières années de leur mariage !

Homme de paix

Le chapitre suivant nous donne un autre aperçu du caractère d’Isaac, et ce que nous voyons s’accorde très bien avec ce que nous avons déjà vu en lui.

« Isaac fit des semailles dans le pays et il récolta cent fois ce qu’il avait semé, car le Seigneur le bénissait. Ses biens ne cessaient d’augmenter, de sorte qu’il devint très riche. Il possédait des troupeaux de moutons, de chèvres et de bœufs, et un grand nombre de serviteurs. Les Philistins furent jaloux d’Isaac. Ils comblèrent avec de la terre tous les puits que les serviteurs de son père Abraham avaient creusés du vivant de celui-ci. Abimélek [leur roi] dit à Isaac : Tu es devenu beaucoup trop puissant pour nous ; va-t’en d’ici. Isaac partit de là ; il campa dans la vallée de Guérar et s’y installa. Il fit déboucher les puits qu’on avait creusés du vivant de son père Abraham et que les Philistins avaient comblés après sa mort. Il leur redonna les noms que son père leur avait donnés. Un jour les serviteurs d’Isaac creusèrent un puits dans la vallée et ils y découvrirent une source. Les bergers de Guérar se disputèrent avec ceux d’Isaac : L’eau est à nous, prétendaient-ils. Isaac appela ce puits Essec (ce qui veut dire Querelle) parce qu’ils lui avaient cherché querelle. Les serviteurs d’Isaac creusèrent un autre puits, et il y eut encore une dispute à son sujet. Isaac appela ce puits Sitna (Contestation). Il partit de là et se fit creuser un troisième puits ; celui-ci ne provoqua pas de dispute. Il l’appela Rehobot (Élargissement). Il disait en effet : “Le Seigneur nous a mis au large, pour que nous puissions prospérer dans le pays.” »

Nous comprenons facilement que dans un pays aride, rien n’est plus précieux que l’eau ; elle peut donc devenir un sujet de conflit. Quand nous avons raison dans une querelle, et quand, en plus, nous nous savons plus forts que notre adversaire, il nous est difficile d’accepter de subir de l’injustice. Le texte dit clairement que les voisins d’Isaac le considéraient très fort ; il aurait pu s’imposer ; il aurait pu user de l’intimidation ou de la force pour faire respecter ses droits sur l’eau des puits que ses serviteurs avaient creusés. Mais Isaac était un homme de paix, un homme qui préférait se retirer paisiblement au lieu de faire recours à la violence. Il remettait son sort entre les mains de Dieu, sachant que les hommes méchants ne pourraient pas empêcher Dieu d’accorder sa bénédiction.

Isaac démontrait dans cette affaire l’attitude et les comportements que Jésus et ses apôtres recommandaient aux chrétiens. Écoutez les paroles de l’apôtre Pierre :

« C’est un bien de supporter, par obéissance à Dieu, les peines que l’on souffre injustement. Car quel mérite y a-t-il à supporter les coups si vous les recevez pour avoir commis une faute ? Mais si vous avez à souffrir après avoir bien agi et que vous le supportez, c’est un bien devant Dieu. C’est à cela que Dieu vous a appelés, car le Christ lui-même a souffert pour vous et vous a laissé un exemple afin que vous suiviez ses traces. Il n’a pas commis de péché ; on n’a jamais entendu de mensonge sortir de sa bouche. Quand on l’a insulté, il n’a pas répondu par l’insulte ; quand il a souffert, il n’a pas formulé de menaces, mais il s’en est remis à Dieu qui juge avec justice. » (1 Pierre 2.19-23)

Conclusion

Isaac n’était pas, comme Jésus, un homme sans péché. Le temps ne nous permet pas d’examiner certains passages où l’on voit des défauts dans son caractère. Mais dans l’ensemble, c’était un homme digne d’être imité. En fait, dans un monde où chacun veut sauver sa peau, nous avons besoin de penser à un jeune homme qui était prêt, non pas à tuer, mais à se laisser tuer, si telle était la volonté de Dieu. Dans un monde où les femmes sont traités comme de simples objets pour le plaisir de l’homme, dans un monde où les femmes aussi bien que les hommes préfèrent la liberté sexuelle et le divorce facile, il est rafraîchissant de considérer un homme qui aima une seule femme toute sa vie. Et dans un monde où chacun est prêt à tout faire pour protéger ses intérêts personnels, nous avons besoin de prendre comme modèle un homme qui savait supporter quelques injustices et remettre le jugement à Dieu.

← L’article précédent
Lot
L’article suivant →
Jacob